... ou Sarko - Ségo, le rebond
Evidemment, nous avons tous pris part au débat télévisé d'hier soir. Je crois qu'il a tenu toutes ses promesses, non? Engagé, clair, bien animé, chacun a pu se faire une idée claire des intentions des candidats tout en percevant le caractère et la personnalité de ceux-ci. Alors sans prendre parti, il apparait que tous les deux ont su faire valoir leurs arguments, et le sondage Le Monde à ce sujet révèle que les internautes voient Ségolène Royal sortir vainqueur de ce débat à hauteur de 55%. J'ai relevé pour vous quelques moments marquants de cette soirée.
Tout d'abord, le problème des fonctionnaires. Moins de policiers n'est pas une solution, contre la crise de violence face à laquelle Royal a mis Sarko dos au mur. De même si l'argument de Sarkozy est de faire des économies de dépenses de l'Etat, en ne renouvellant pas les postes de fonctionnaires, Ségo insiste sur le maintien de ces postes avec une plus juste répartition selon les besoins. C'est cohérent. Le candidat de droite souhaite revenir aux effectifs de 1990, mais admettons au moins que les temps changent et les besoins évoluent. De plus, moins de policiers, n'est-ce pas le risque de réhausser l'insécurité? Moins de fonctionnaires, n'est-ce pas le risque de diminuer la qualité du service publique? Déjà qu'ils sont pas rapides...
Ensuite vinrent les différentes solutions pour relancer la croissance. L'un prône le travail en heures supp. Oui, ok, pourquoi pas. Mais faut avoir matière à ça, et que le patron soit d'accord pour les heures supplémentaires. Et ça c'est une autre histoire, non? A mon boulot, les heures supp sont décidées et imposées par le directeur, ce ne sont pas les employés qui peuvent gagner plus en les demandant. Et l'autre de vouloir valoriser le travail à sa juste valeur, en augmentant les minimas sociaux dont le SMIC. J'ai juste peur que les prix suivent la tendance.
Autre sujet interessant, les acquits sociaux : logement et retraites. Sarkozy estime qu'il veut une France de propriétaires. Pas évident quand les banques augmentent sans cesse le taux des prêts et que l'immobilier flambe ses prix. Royal, elle, souhaite encore plus de HLM pour accueillir les gens, une bonne oeuvre si celle-ci ne se transforme pas en création de ghettos sociaux. Un piège à éviter. Pour les retraites, le candidat UMP insiste sur les chiffres et souhaite valoriser les petites retraites. Sauf que le financement de celles-ci est trouvé dans le travail des jeunes alors qu'il ne leur offre pas d'emploi (passons sa politique de plein emploi -précaire- , elle est inexploitable sauf si onveut être comme en Angleterre, avec une population pauvre et des chiffres du chômage dont les critères sont à l'avantage de la politique engagée). Du coup on retarde l'âge des départs en retraite. De son côté, la candidate PS est restée floue, elle n'a pas vraiment montré de plan de financement des retraites comparable à la loi Fillon qu'elle veut mettre à plat, espérant une hypothétique croissance à 2,5 points pour piocher les ressources utiles.
La santé, et l'éducation. Sarko veut augmenter les médecins et dérembourser les gens, c'est clair. Ségo préfère annihilier le 1 euro de participation forfaitaire et permettre l'accès aux soins pour tous. Sur un pied d'égalité. Côté éducation, l'un veut supprimer des classes et valoriser le travail technique, l'autre les conserver afin de maintenir une cohésion culturelle, une égalité des chances pour tous.
Enfin, j'estime que les candidats sont plus ou moins d'accord (avec nuances) sur les problèmes européens et internationaux. Pas de quoi pavoiser. De même on a survolé l'immigration, ce qui n'est pas un mal.
Pour info vérifiée : on est bien qu'à la 3e génération de réacteurs nucléaires, contrairement à ce que disait le candidat de droite. De même, il est possible de transférer un budget voté avec aval de l'assemblée pour, par exemple, appuyer la création de postes d'infirmières, quitte à ne l'amplifier qu'en l'année n+1. Enfin, il apparait que le point des retriates n'est pas résolu jusque 2020 puisque celui-ci fera l'objet d'une réunion avec les partenaires sociaux en 2008. On m'aurait menti à l'insu de mon plein gré? Pourquoi avancer des idées fausses? Suis-je déçu?
Allez, attaquons le point marrant du débat : les stratégies.
C'est Ségolène qui a attaqué en premier en révélant à l'heure où il y avait le plus de gens devant leur télé, le bilan de Nicolas, peu glorieux s'il en est. S'en est suivi tout du long une série de piques. Dommage qu'on aie pas pu voir la réaction des candidats tandis que leur adversaire les attaquait. Ca aurait mis du beurre dans les épinards.
La stratégie de déstabilisation de Sarkozy, c'était de couper la parole dès qu'un sujet délicat était abordé. Afin de faire perdre ses idées à Ségo, j'imagine. L'objectif : énerver la candidate, notamment quand un thème lui tient à coeur comme ce fut le cas du handicap à l'école. Rappelons que le projet d'intégration des enfants handicapés à l'école a été défait par le gouvernement de droite, et voilà que le représentant de ce gouvernement propose de s'accréditer l'idée ! Enfin, Nicolas Sarkozy de mettre en avant les valeurs auxquelles il croit : Travail, Famille, Patrie. Euh, à revoir, comme une boucle dans l'Histoire.
La tacatactiqueuh de Ségo, c'est de laisser parler son adversaire, de connaitre ses dossiers et de pouvoir facilement le contredire. Notamment en s'appuyant sur ce qu'elle a pu tester à échelle plus petite; dans la région Poitou-Charentes. Et ça fonctionne. J'ai apprécié les piques "je connais votre tactique" ou "ce projet, à gauche, on l'a déjà fait", sans oublier le "avec vous, tout est possible, même le pire" et la réciproque de Sarko avec son "je veux faire marcher ce qui ne marche pas et ne pas être président seulement de ce qui marche déjà". Ségolène Royal cherchait le respect dont parle tant Sarkozy lorsqu'elle haussait le ton. Les plans larges sur la table ont parfois permis de voir le désinterêt d'un certain candidat à l'argumentation de son adversaire; et de même l'embarras lorsque celui-ci avançait ses "preuves". Et pour finir des phrases cultes comme "ne montrez pas du doigt comme ça, madame Royal" ou "c'est immoral"
Pour conclure, on a eu droit à un débat fort interessant, un débat choc entre deux conceptions de la politique qui se rejoignent et s'éloignent en même temps. Au prix de quelques coups bien placés, de cynisme partagé et de quelques éclats de rire sur mon canapé lorsque l'un ou l'autre se faisait moucher, j'ai passé un moment instructif. Chacun, à sa manière, veut améliorer le quotidien des français. Pourvu que ce soit celui de la majorité, qu'on ne votera pas par défaut mais par conviction et que ce ne soit pas au prix des avantages sociaux acquis. Le reste suivra. Advienne que pourra.