mardi 7 avril 2009

La mamie

La mamie allume sa télé aujourd'hui. Il est 20h, elle aime entendre la voix de Laurence Ferrari qui donne les nouvelles. Elle est jeune et jolie, ça lui rappelle le bon temps, où les speakerines annonçaient le programme. La mamie ouvre son frigidaire, en sort une motte de beurre. Elle s'attable alors difficilement, alors que résonnent les premières notes du générique d'annonce du journal. Pendant qu'elle beurre sa tartine, elle écoute les titres de l'actualité: de la politique et de l'économie avec le G20, surement quelques faits divers affreux - ceux qui rappellent à chacun qu'il vit dans un monde où le pire peut arriver chaque jour, et pas qu'aux autres, - et un peu de sport. La mamie aime l'annonce des titres, elle fait son choix dans ce qui l'intéresse. Elle apprécie particulièrement les faits divers, son monde et les histoires de voisins. Certes, elle est consciente de la crise financière, on lui rabâche chaque jour aux nouvelles. Elle, ce qui l'intéresse, c'est sa pension, qui tombe chaque mois, et la façon dont elle va la dépenser pour s'acheter à manger ou faire plaisir à ses petits-enfants. Elle n'a pas d'actions, pas d'obligations, ne perçoit pas de dividendes et ne s'identifie pas aux nouvelles du Monde. Obama, le président noir, vient en France, annonce Laurence Ferrari. Bien, et puis?
La mamie relève la tête pour voir le reportage. A présent, c'est le Président de la République qui s'exprime. Toujours avec ses manières, à en faire trop, dire des phrases chocs sans réel fond ni aucun résultat. Un peu ronchonne, la mamie se demande s'il sera en mesure de faire quelque chose pour elle. Elle sourit, à présent qu'elle remarque qu'il s'énerve et ressemble de plus en plus à Grincheux, le Nain. Dire qu'il s'identifie à DeGaulle. Elle l'a bien connu, le Général. Lui, avait de la carrure. Les temps changent, conçoit-elle. Laurence reprend la parole, toujours sur ce sujet d'économie auquel la mamie ne comprend rien. On parle de sommes énormes, inconcevables, de projets de relance, d'accord mondial. Mais rien pour elle ou son petit monde. Elle attend toujours ses faits divers, mastiquant son morceau de pain recouvert d'une épaisse tranche de jambon.
Et puis, l'événement du jour, le reportage en direct d'un envoyé spécial qui raconte qu'il ne peut pas passer les barrières de sécurité de la ville Saucisse. Ce grand gaillard raconte la même chose que Laurence Ferrari, rien de plus. La mamie sourit encore, car certains passants regardent la caméra en faisant les guignols. Elle aime bien les guignols, et regrette Video Gag. C'est dommage qu'ils aient arrêté. Un jour, elle avait envoyé une vidéo de son cousin qui était tombé à l'eau lors d'une sortie, et avait eu la fierté de gagner quelques euros et de voir son gag diffusé. Petit moment de gloire.
L'heure tourne, la mamie se verse un petit verre de vin, il parait que c'est bon pour les artères, mais Laurence a récemment dit que ça donnait le cancer de la bouche. A son âge, la mamie s'en fiche un peu. Manger bio, manger bon. Fumer tue lentement... ce n'est pas grave, qui est pressé de mourir? Et puis, elle aura fait quelques séjours à l'hopital. Les infirmières, bien gentilles, n'ont malheureusement pas assez de bras pour porter le lourd fardeau de la santé.
Vient alors un petit reportage sur une pièce de théâtre. Avec Michel Sardou, peut-être. Son chanteur préféré. Enfin, sans transition, la page sport. Du football, encore et toujours, même quand il n'y a pas de match. Des pseudo athlètes, parfois trop payés, pour courir avec un ballon entre les pattes. Et finalement, pas de fait divers. Ou alors, rien de folichon. Ça arrive, il ne se passe pas toujours quelquechose à dire. Les événements à petite échelle, drames pour les familles, n'ont pas à avoir d'heure de gloire. C'est parfois obscène. Et irrespectueux.
La mamie dépose les restes de son repas dans l'évier. Elle s'approche difficilement du buffet où elle range son porte-monnaie. Là, trône la photo de papy. Parti trop tôt. Le porte-monnaie est rangé au fond du tiroir. Elle l'attrape. L'ouvre. Il reste quelques centimes.
Peut-être de quoi acheter un peu de pain, demain.

7 commentaires:

  1. Pour les faits divers, en général, la mamie préfère le journal du midi de Jean Pierre Pernault. Un vrai bonheur, avec les feux de l'amour juste derrière ;)

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  2. La Mamie, elle ne regarde plus Lolo, elle regarde plus belle la life maintenant! Les viols, les meurtres et les disputes, le tout à Marseille, elle en raffole! Rooooh! Homer, tu ne vis plus avec ton temps!

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  3. Pourquoi suis-je encore encore en vin sous un truc de pinard ?

    Remarque, j'étais je ne sais plus où en lien sous "verre d'eau" et j'ai gueulé.

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  4. @Nicolas à croire qu'il faut toujours que tu gueules :)

    trés beau texte Homer

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  5. Gaël, je suis d'accord,
    Nicolas..
    je croyais que tu étais plutôt mateur de bière ?

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  6. Je me demande ce que la télé aurait apporté à mes grands-parents… Elle existait de leur vivant, mais c'était encore un luxe pour eux. Ils étaient en revanche accros à la radio et parfois, avaient tendance à prendre pour argent comptant de simples fictions —comme un récit de voyage interplanétaire dont il gobèrent le premier épisode avant de se poser des questions…

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