France Parallèle

Voici un article que j'avais écrit le 06 juin 2008 suite à une subite inspiration. Une sorte de fiction sur l'avenir, traitant d'événements d'actualité. Comme je suis en train de purger BuzzWire, afin de le retravailler suite à un conseil de blogage dont je vous parlerai prochainement dessus, je me permet de "copier-coller" ce texte qui avait pas mal fait réagir (notamment M., Nicolas, Gael et Scheiro...) ainsi que ses commentaires. Cela comme un souvenir. Et pour ceux qui ne me connaissaient pas à l'époque, c'est l'occasion de le découvrir...
Attention, ça peut être assez long.

On a fait le plein hier soir. On avait besoin de rouler, vous comprenez. Besoin de voir des gens, de faire des activités, de vivre. On a passé la barrière de contrôle vers 17h. Les militaires ont vérifiés nos papiers, j'en avais les mains qui tremblaient. Ca ne rigole plus depuis la mise en place de la loi martiale. Ah, ces foutus manifestants ! Avec leur blocus des raffineries, et l'accident du 14 Aout, Nicolas Sarkozy a décidé sur un coup de sang d'instaurer le règne des militaires. Plus moyens de circuler librement. Et puis, pour aller où? Le carburant est devenu tellement rare. Il y a eu tellement de morts pour ça. Rappelez-vous, ces agriculteurs, qui, désespérés, entraient de force dans les raffineries, volaient des camions citernes, et puis un jour ceux-là qui provoquèrent l'accident, l'explosion, l'onde de choc... Ces morts, partout. L'horreur. Depuis, on se débrouille comme on peut. Les stations-service sont contrôlées et nous sommes rationnés. Dix litres maximum toutes les deux semaines. Il n'est même plus question de développer une énergie alternative, des événements similaires ayant contraints la majorité des pays du Monde à agir comme en France, le développement de carburants quels qu'ils soient à été stoppé. Depuis l'avénement du capitalisme de dernier cycle, les dirigeants ont bien compris que l'or noir serait toujours la poule aux oeufs d'or. Avec le baril aussi cher, continuons à pomper le fric des plus pauvres, et si l'un deux se plaint, c'est la loi martiale, si vous me suivez.
Il n'y a même plus de mendiants pour se nourrir dans les poubelles. D'ailleurs, il n'y a même plus de poubelles. Malgré un nombre conséquent de grandes surfaces, personne n'y traine vraiment. On achète ce qu'on peut quand on peut, la première nécessité. Vu le prix d'un paquet de riz, on mange un peu moins. La viande est malade, tout le monde le sait, personne n'en mange plus. Ils ont beau ouvrir les magasins tous les jours, si on a pas de sous, on a pas de sous.
Ma femme et moi nous promenons parfois au bord du canal, puis nous rejoignons le centre-ville. Pas trop tard, car quand la nuit tombe, il y a couvre-feu. Et le plaisir d'une promenade s'estompe quand, à l'approche de la rue piétonne, on constate le nombre impressionnant de commerces clôts, de volets fermés et de panneaux d'agences immobilières mettant à vendre tout ce qu'il reste. C'est devenu tellement cher ! En fait, les prix n'ont pas vraiment flambés, mais la baisse du pouvoir d'achat, l'application de la TVA sociale, la hausse globale des prix et le nivellement des salaires par le bas depuis la restauration des 39 heures - conséquence d'une mauvaise négociation syndicale, encore une - au profit d'une application au bon vouloir des entrepreneurs... tout ça a fait qu'on ne s'est jamais sentis aussi pauvres en France.
Le culte du Président est devenu féroce. Il a la main mise sur les médias, la propagande est subtile mais présente. Fini les séries américaines, place à la fiction française. La mire est de retour, elle ressemble au président... Au début, il fallait juste se recueillir quand on voyait sa photo. On en riait jusqu'à ce que les militaires nous imposent de le faire. Depuis, il faut avoir sa photo sur nous, sans cesse contrôlés que nous sommes par la police. Et ces contrôles sont accentués, surtout dans les cités à la population immigrée.
Beaucoup ont tentés de fuir, pendant l'hiver 2009. Le plus rude depuis le début du réchauffement de la planète. Il y en a qui y sont restés, d'autres ont atteint la frontière mais se sont fait attrapés. On a remis le bagne au gout du jour, les prisons sont surchargées, et Rachida Dati a trouvé la solution pour "former la jeunesse à ne pas enfreindre la loi, que ce soit pour un délit comme pour un crime". Mon voisin, un jeune de 21 ans, a pris 10 ans de bagne ferme pour avoir volé un CD dans une grande surface. Le peu qui ont passé la frontière se sont fait rattrapés en Allemagne ou en Italie. L'Europe, à une époque, semblait avoir encore un peu de bon en elle, mais depuis la présidence Française de la communauté, au moment des manifestations, tout a changé.
Voilà qu'on a fait le plein. Enfin, on nous a fait le plein. On repart, lentement, sous le regard sévère des soldats. Eux non plus n'ont pas choisit tout ça. On traverse doucement le quartier, tagué de part et d'autres par des jeunes en mal social. Ils ne vont plus à l'école. La pauvreté des programmes scolaires, dans des classes de 50 élèves... le manque de professeurs a fait le reste. Les jeunes d'aujourd'hui se contentent de compter et de parler - en language sms - et Voltaire doit se retourner dans sa tombe. Ils ne sont pas prêt de trouver du boulot. Et du boulot, il y en a, plein, mais le niveau culturel est tellement bas que le moindre patron un tant soit peu censé se refuserait à employer un salarié aussi bête. Le chômage, après avoir baissé, retrouve un taux normal - 7%. Un taux faussé par les critères de calcul et un nombre de Français sans emploi phénoménal, suite à deux refus pour des boulots de misère à 50 km de chez eux. Je pense que le chômage - non indemnisé compris - tourne autour de 20%.
On accélère pour sortir du quartier. On croise des junkies, des dealers, des gens, allongés sur le sol - des leurres pour nous dépouiller. Ce coin a rudement changé. On a eu vent de nombreuses attaques dans le secteur, des gangs bien armés. Ce ne sont pas eux qui vont nous défendre. Il est trop tard, désormais, pour réagir. Notre ville ressemble à Beyrouth, mais jamais la guerre n'a eu lieu. C'est simplement le résultat d'une politique à son plus grave degré. Un résultat lourd de conséquence, teinté d'illégitimité, et inondé de regrets.
C'est la France. La France parallèle.

Les commentaires du 06/06/08